Homoparentalité : Définition, problématique et avis d'experts

Définition

L’homoparentalité se définit par un schéma familial où l’enfant a au moins un de ses deux parents qui est homosexuel.

L'homoparentalité est un cas de figure encore qualifié de rare, et concerne différentes situations : 

-       Le re-mariage d’un des deux parents avec une personne de même sexe

-       L’adoption

-       La PMA (procréation médicalement assistée)

-       La GPA (gestation pour autrui)

 

Avis d’experts

 Nous avons interrogé des experts des domaines social et juridique sur les deux premiers cas de figures et consulté la littérature scientifique sur le devenir des enfants adoptés par des couples homosexuels.

 

Ø L'avis d'un travailleur social dans le domaine de l'adoption (Maine-et-Loire)

 

Dans le cadre d'une adoption de "pupilles de l'Etat", les personnes souhaitant adopter doivent obligatoirement avoir plus de 28 ans. Pour les couples, l'adoption n'est possible qu'après deux années de mariage au minimum. Ceci concerne tous les individus, quelle que soit leur orientation sexuelle. 

 

Les parents demandant l’adoption d’un enfant doivent donc obtenir l’agrément de l’assistante sociale et de la psychologue qui déterminent si ils sont aptes à devenir des parents protecteurs, car l’enfant est déjà en situation de difficulté (abandon, orphelinat…).

Dans le cadre de couples homo comme hétérosexuels, les mêmes examens se posent : quel confort le parent peut-il apporter à l’enfant ? Quels antécédents familiaux pourraient mettre la famille en difficulté ?

C’est ici que les questions se posent sur l’homoparentalité :

La société actuelle n’admet pas encore totalement l’homosexualité, et les peurs sont que l’enfant soit en difficulté par rapport au fait d’avoir deux parents dont le schéma est moins habituel.

Les spécialistes de l’adoption observent également une discrimination par rapport à l’homoparentalité adoptive à l’adoption internationale : en fonction des cultures, certains pays interdisent l’homoparentalité, et les couples homosexuels ne sont pas priorisés pour les adoptions.

L’adoption n’est pas un droit, mais c’est une mesure de protection pour l’enfant et n’est donc pas systématique. Ce n’est pas pour répondre au désir d’un couple, quelle que soit son orientation sexuelle, mais pour offrir à un enfant un foyer stable, protecteur et épanouissant.

La recherche d’un enfant ne peut être réalisée qu’après l’obtention d’un agrément des services sociaux, en national et international.

Les possibilités pour un couple homosexuel sont faibles pour différentes raisons :

-       difficultés en international par le refus de certains pays

-       couples hétérosexuels prioritaires

-       nombreux couples demandeurs et peu d’enfants adoptables

 

Le modèle dominant du schéma familial reste une composition par deux parents de sexe opposé. Les propositions d’adoption sont hiérarchisées ainsi : couple hétérosexuel puis célibataire puis couple homosexuel. Si un enfant ne trouve pas de couple hétérosexuel pour l’accueillir, il sera proposé à un parent célibataire et enfin à un couple homosexuel.

 

 

A l’issue de cet entretien, on ressent une certaine prudence des travailleurs sociaux sur la question de l’homoparentalité, toujours dans le souci d’une protection de l’enfant :

-       l’acceptation encore compliquée par la société de l’homosexualité pourrait-elle perturber un enfant qui a déjà vécu un traumatisme ou des carences ?

-       si un enfant a vécu des  carences maternelles, peut-il avoir un couple homosexuel masculin au risque de ne pas « réparer » une image maternelle traumatique ?

L’entretien systématique en France avec un psychologue est fondamental afin de recueillir les motivations du couple, l’histoire de chacun des partenaires, toujours dans l’objectif d’analyser la stabilité que pourra offrir ce couple à l’enfant accueilli.

 

 

Ø L'avis juridique de Maître Elisabeth Gohier, avocat s’intéressant au droit de la famille

Depuis la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, l’institution du mariage est ouverte aux couples homoparentaux. En conséquence, ceux-ci peuvent désormais adopter. En effet, l’article 6-1 du code civil précise que « le mariage et la filiation adoptive emportent les mêmes effets (…) que les époux ou les parents soient de sexe différent ou de même sexe ».

L’une des motivations de la loi du 17 mai 2013 était de combler une insécurité juridique concernant le statut du conjoint du parent naturel d’un enfant. En effet, de nombreux couples homosexuels avaient recours à la PMA et seul un des « parents » de l’enfant avait une filiation et une autorité parentale reconnues à l’égard de celui-ci. En cas de décès de ce parent légitime, l’enfant et le conjoint se retrouvaient donc dans une situation de grande incertitude.

Désormais, le conjoint peut faire une demande d’adoption de l’enfant s’il a contracté mariage avec son parent naturel.

Cependant, s’agissant de l’adoption d’un enfant par un couple homosexuel sans enfant, la procédure semble être plus compliquée et vouée à l’échec. En effet, la procédure d’adoption d’un enfant et notamment étranger est de plus en plus longue et difficile même pour les couples hétérosexuels. En 2014, seuls 1000 enfants ont été adoptés à l’étranger par des couples français, sachant que 20000 candidats à l’adoption ont actuellement un agrément en cours de validité par les autorités françaises. Dans de nombreux pays, le mariage homosexuel et même l’homosexualité restent interdits. Dans ces conditions, il ne semble donc pas même envisageable pour un couple homosexuel de déposer une demande d’adoption.

Une polémique a par ailleurs récemment émergé concernant les pratiques de PMA et GPA.

Concernant la PMA, celle-ci n’est actuellement autorisée en France que pour les couples hétérosexuels infertiles. Ainsi, plusieurs juridictions ont refusé d’accorder l’adoption au profit du conjoint d’un enfant né à l’issue d’une PMA réalisée à l’étranger. Celles-ci arguaient d’une fraude à la loi française.

Le Conseil Constitutionnel a confirmé que la PMA restait interdite aux couples homosexuels. Cependant, la Cour de Cassation a, le 23 septembre 2014, mis fin aux incertitudes jurisprudentielles sur l’adoption d’un enfant issu d’une PMA. La Cour a en effet jugé que le recours à la PMA à l’étranger ne faisait pas obstacle à l’adoption de l’enfant par l’épouse de la mère.

Concernant la GPA, celle-ci demeure interdite à tous les couples en France. De nombreux couples homosexuels y ont cependant recours à l’étranger et notamment aux Etats-Unis. La France a récemment été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme car elle avait refusé d’établir la filiation entre deux petites filles nées d’une GPA aux Etats-Unis et un couple homosexuel français. Le Conseil d’Etat a par ailleurs validé en décembre 2014 la circulaire « Taubira » qui autorise l’attribution de la nationalité française aux enfants issus d’une GPA à l’étranger.

Si donc la GPA demeure interdite en France, cette interdiction ne doit pas nuire à l’intérêt de l’enfant. Celui-ci doit pouvoir voir sa filiation et sa nationalité reconnues en France.

L’adoption est donc aujourd’hui un droit reconnu aux couples homoparentaux. Ce droit n’est cependant pas, comme pour toute procédure d’adoption, un droit acquis de plein droit. L’adoption demeure une mesure de protection et c’est l’intérêt supérieur de l’enfant qui doit primer. Le juge reste libre d’accorder ou non l’adoption en fonction du contexte familial.

 

Ø L'avis de Boris Cyrulnik, neuropsychiatre et éthologue

Pour lui, les enfants qui grandissent dans des familles homoparentales n’ont pas plus de risque de développer des difficultés particulières. Il estime que ces données sont recevables car de nombreux enfants sont déjà dans cette situation, soit nés d’un couple hétérosexuel mais dont un des parents est devenu homosexuel après sa naissance, soit adoptés par au moins un parent homosexuel.

S’appuyant sur des études canadiennes, sur 100 000 enfants rescencés, aucune pathologie particulière n’a été décelée. Les enfants sont comme les autres et les parents sollicités ont très motivés, attentifs et souvent d’un très bon niveau socio-culturel.

A la question de savoir si la construction psychique des enfants élevés par deux parents du même sexe risque d’être perturbée, Boris Cyrulnik explique que c’est la différence des rôles et par forcément celle des sexes qui permet de se construire. Mais ce serait plutôt l’image de l’homosexualité dans la société qui pourrait être perturbante pour l’enfant. Pour répondre à cette question, il compare la situation des enfants de couleur adoptés dans des familles d’une autre origine ethnique. Aucune étude n’a mis en évidence plus de complications à l’adolescence. La construction psychique se fait par un milieu stable, protecteur, rassurant. Les enfants traversent des épreuves mais elles peuvent être bien vécues s’ils sont entourés affectivement. Et celà est vrai pour tous les enfants.

 

Ø L'avis de Daniel Marcelli, Professeur de pédopsychiatrie au CHU de Poitiers

Ce spécialiste ne se prononce pas contre l’homoparentalité. Il affirme qu’à ce jour, nul article ou recherche scientifique n’a prouvé qu’un enfant élevé par des parents de même sexe rencontre plus de difficultés. Il trouve préférable qu’un enfant puisse être adopté par un couple que par un parent célibataire. Ce qui compte pour lui, c’est que l’enfant puisse avoir à faire à deux parents différents, ce n’est pas la différence sexuelle qui est importante.

Il questionne la période de l’adolescence qui pourrait nécessiter un accompagnement psychologique si le jeune s’interroge sur son orientation sexuelle.

 

Ø L'avis de Claude Halmos, psychanalyste française

« Je trouve très inquiétant qu’un débat aussi important puisse être réduit à une histoire de « pour » et de « contre ». Dans un article, elle revient sur la notion de désir. Pour elle, il ne suffit pas de « vouloir » un enfant pour « avoir » un enfant.  Dire qu’un couple homosexuel est identique à un couple hétérosexuel reviendrait à dire que la différence des sexes ne compte pas. Ceci reviendrait ainsi à nier tout ce que nous a appris la psychanalyse depuis Freud.

 

Ø Ce qu'en disent les études américaines et canadiennes, en l’absence d’études françaises sur le sujet.

Dans les années 2000, l’American Psychological Association a publié l’ensemble des études consacrées à cette question. 33% des couples homosexuels féminins et 22% des couples homosexuels masculins déclaraient avoir au moins un enfant de moins de 18 ans vivant au domicile. Différentes études ont été menées afin de répondre à des questions de sociétés : les homosexuels auraient des troubles mentaux, les femmes homosexuelles seraient moins maternelles et les hommes seraient moins présents auprès de leurs enfants, privilégiant leur sexualité. Premièrement, l’homosexualité n’est pas une maladie psychiatrique et les homosexuels n’ont pas plus de stress et difficultés personnelles. Quant aux compétences parentales, aucune différence n’a été mise en évidence.

Concernant les enfants, des études sociologiques ont montré que l’identité sexuelle se construit de façon similaire, de même que leur développement et leur personnalité. Les enfants de parents homosexuels ont les mêmes compétences sociales avec leurs pairs et les adultes. Globalement, les études montrent que leurs capacités à s’adapter et leur santé générale est comparable à celle des enfants de couples hétérosexuels.

Aucune étude française n’a été réalisée sur la question de l’homoparentalité et nous nous sommes donc reportées aux études américaines. Ces études, publiées en 2004, par des psychologues et sociologues montrent l’importance des débats de société soulevés par cette question.

 

Bibliographie

Psychologies.com : « Homos et parents ? », septembre 2004.

American Psychological Association : « Sexual orientation, Parents, & childrens », july 2004.